À Gaza, la terre n’est pas seulement un espace à cultiver, c’est une extension vivante de l’identité, un témoin silencieux de la détermination inébranlable du peuple à revendiquer son droit à la vie malgré chaque tentative d’effacement. Aujourd’hui, au cœur d’une guerre d’extermination sans précédent, l’agriculture palestinienne est ciblée : en tant que secteur économique, mais aussi en tant qu’infrastructure vivante qui nourrit la résilience et affirme la présence d’un peuple sur sa terre.
Un rapport publié en mai 2025 par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en collaboration avec le Programme d’applications satellitaires opérationnelles des Nations Unies (UNOSAT), révèle que moins de 5 % des terres de Gaza restent cultivables. Ce chiffre ne reflète pas seulement l’ampleur de la destruction : il révèle une intention. Il est le résultat d’une politique systématique qui ne considère pas la terre comme une source de vie, mais comme un « terrain hostile » à assécher, tout comme on nie aux Palestiniens leur droit à l’existence.
Ce qui se déroule à Gaza est une campagne de famine délibérée et politiquement orchestrée. Les bombardements ne se sont pas limités aux maisons et aux hôpitaux : ils ont visé systématiquement les puits, les serres, les élevages de volailles et les champs à ciel ouvert. Toute la chaîne de production alimentaire est démantelée à la racine, éradiquant ce qui subsiste de la vie agricole. Les chiffres sont vertigineux : plus de 80 % des terres agricoles ont été détruites et la majorité des infrastructures liées à la production alimentaire sont endommagées. C’est le résultat manifeste d’une politique conçue pour briser la volonté collective par la faim et la soif.
Depuis le début du blocus en 2007, l’agriculture a été l’un des premiers secteurs lentement étouffés : interdictions d’intrants de production, restrictions sur les engrais et les semences, imposition de zones tampons grignotant la terre morceau par morceau et permis empêchant les agricultrices et agriculteurs d’accéder à leurs propres champs. Ce qui se passe aujourd’hui est l’expression la plus violente et explicite de cette même politique continue. La cible est le fondement même de l’existence palestinienne.
Et pourtant, les agricultrices et agriculteurs palestiniens n’ont jamais cessé de planter. Non pas parce que la terre va bien, mais parce que le peuple refuse d’en être séparé. J’ai vu, de mes propres yeux, des hommes replanter les abords de leurs maisons après les bombardements, et des mères semer des graines sur les décombres — non pas parce qu’elles espèrent des miracles, mais parce que planter est, en soi, un acte de vie. L’agriculture à Gaza est aujourd’hui une forme de résistance silencieuse mais tonitruante, qui redéfinit ce que signifie la souveraineté — sur soi, et sur la nourriture.
La communauté internationale parle, en majorité, d’« aide », mais non de « justice ». L’assistance humanitaire, si elle n’est pas accompagnée d’une responsabilité politique des auteurs des crimes, devient une gestion du crime plutôt qu’un moyen d’y mettre fin. Soutenir l’agriculture à Gaza, ce n’est pas seulement fournir du matériel, c’est protéger les agriculteurs des bombardements, garantir leur accès à leurs terres et, surtout, lever le blocus. Plus que tout, il s’agit de mettre fin à l’occupation et de traduire les criminels de guerre en justice.
Gaza ne demande pas la charité; elle exige la levée d’un siège asphyxiant qui dure depuis plus de quinze ans. Elle exige que le monde cesse de traiter la mort à Gaza comme s’il s’agissait d’un événement banal.
À Gaza, chaque graine plantée dans la terre est une promesse que la vie renaîtra — et que, peu importe l’arsenal de mort dont dispose l’occupation, elle ne pourra jamais détruire des racines qui ont appris à résister, même dans la terre la plus sombre.