J’ai eu le plaisir de rencontrer Rosalie Dupont, coordonnatrice de la Table d’action contre l’appauvrissement de l’Estrie, ainsi que Jean-Philippe Benjamin, agent à la vie associative au sein du même organisme. Nous nous sommes entretenus du plan d’action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, publié en juin dernier par la ministre responsable, Mme Chantal Rouleau (https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/emploi-solidarite-sociale/publications-adm/documents-administratifs/PL_Lutte_Pauvrete_2024-2029.pdf).
D’entrée de jeu, Rosalie Dupont affirme que « même si on s’attendait qu’il n’y ait pas grand-chose dans ce plan, on est quand même déçus. On n’y retrouve aucune mesure phare, comme c’était le cas dans tous les plans d’action précédents. Il y avait au moins un gain, comme le crédit d’impôt pour solidarité ou le revenu de base. »
Les organismes s’attendaient à ce qu’on y présente une réforme de l’aide sociale. Mais les seules mesures annoncées dans ce plan sont peu structurantes. Selon Jean-Philippe Benjamin, « les avancées qu’on a obtenues c’est par exemple un chèque par personne pour un couple à l’aide sociale.Mais le montant total reste le même Le gouvernement a fait des mesures qui ne lui coûtent rien au final. »
Une grande déception a trait aux faibles montants réellement investis dans la lutte contre la pauvreté, soit des investissements trois fois moins importants. Par exemple, un élément central à l’action gouvernementale a trait à l’accompagnement personnalisé notamment des prestataires d’aide sociale, une mesure estimée à coût nul. Les organismes craignent en conséquence une coupure dans les services.
« Rosalie Dupont ajoute : C’est très décevant quand on pense à l’immense mobilisation citoyenne qui avait mené à l’adoption unanime de la Loi en 2002. Les plus gros montants vont au niveau du logement pour continuer les constructions déjà annoncée puis au niveau de l’aide alimentaire qui était aussi déjà annoncée. […] C’est important mais il faut se demander pourquoi est-ce que cette personne-là a besoin d’aide alimentaire. Le problème, c’est un revenu insuffisant. » Et on ne trouve aucune cible d’amélioration du revenu des plus pauvres dans ce plan. « Dans le plan d’action précédent, on visait à amener les prestataires d’aide sociale à 55 % de la mesure du panier de consommation. On avait un objectif d’améliorer les cibles de revenus des personnes qui étaient sur l’aide sociale. On est maintenant à 49 %. Les prestataires sont en train de s’appauvrir et on ne retrouve plus cet objectif. » En 2022, une personne seule à l’aide sociale disposait d’un revenu annuel d’à peine plus de 11 000 $1 .
Selon le plan d’action, « d’importants progrès » ont été réalisés au Québec. Les représentants de l’organisme croient que cette affirmation est complètement déconnectée de ce qui se vit sur le terrain : augmentation du recours aux banques alimentaires, crise du logement, augmentation de l’itinérance…
« Le plan d’action est pour 2024-2029, ce qui signifie qu’on ne peut s’attendre à aucune avancée significative avant cinq ans », de conclure Rosalie Dupont.