Lorsque l’on fusionne art et communautaire à Sherbrooke, je pense immédiatement à un personnage emblématique et familier. Un bonhomme tout simple qui, défunt de parole, nous présente ses valeurs (la protection de la planète, l’entraide, la rébellion, la paix, etc.) par ses gestes. Il est d’abord aperçu sur des pancartes au centre-ville. Ses rues deviennent un musée ouvert dans lequel le personnage multiplie ses apparitions surprises et gagne éventuellement le cœur des citoyens et citoyennes. Sa présence s’étend ensuite jusque dans les institutions (écoles, cafés, organismes communautaires et même à l’hôtel de ville) et est actuellement un incontournable en matière d’art engagé à Sherbrooke.
Ce personnage est connu sous le nom de Méga ou Ultra Nan. Son créateur est méga contestataire de tout geste nuisible aux droits humains. Il soutient la cause environnementale avec ferveur et se tient droit devant le taureau de bronze du capitalisme. Selon lui, protéger la planète devrait être une priorité sociale. Il n’adhère donc pas à un mode de vie basé sur la consommation et le gain en capital, ce qu’il qualifierait d’ailleurs d’hypocrite étant donné son implication morale dans la lutte contre les changements climatiques. Au contraire, il consacre aujourd’hui son temps à des activités pour la plupart non rémunérées et dont l’impact environnemental est nul ou faible. Il ne craint certainement pas de délaisser les contrats qui ne collent pas à son éthique philanthrope.
Dans le même ordre d’idées, il utilise depuis ses débuts majoritairement des matériaux récupérés et s’amuse à leur donner une deuxième vie. C’est aussi par refus du modèle économique actuel qu’il donne ou vend à bas prix ses productions. Il se rebelle contre le fait que l’industrie de l’art puisse contribuer à l’accumulation de richesses par certains individus et pour ainsi dire aux inégalités sociales. Pour l’artiste, l’art en général n’est pas un produit de marché qui devrait être mis aux enchères mais plutôt une invitation à la réflexion qui devrait être partagée et accessible.
Les valeurs de son personnage sont évidemment les siennes, mais il préfère que le message ne soit pas directement associé à sa personne. En effet, en maintenant son anonymat et son bonhomme de l’avant, il évite la personnification de son art. La perception des gens repose alors uniquement sur l’essentiel – ses œuvres – sans s’attarder à leur créateur. De plus, cette distance avec le public donne à l’artiste la liberté de créer avec sincérité et authenticité sans s’exposer personnellement au regard des gens. Ainsi, Ultra Nan met ses émotions à nu devant les Sherbrookoises et Sherbrookois en abordant des sujets qui lui sont sensibles, comme le processus du deuil. Le sympathique personnage noir et blanc, par son caractère universel, permet aux gens de s’y identifier facilement.
C’était l’objectif du sujet : être intergénérationnel et interculturel afin de toucher l’ensemble des Sherbrookoises et Sherbrookois qui y sont exposés. L’art d’Ultra Nan tire d’abord sa valeur de sa fonction sociale : être une source d’inspiration vers un avenir meilleur. Et ensuite du sentiment de réconfort et de reconnaissance qu’il procure à la collectivité.
