Le 14 mai 2024, l’émission Le Show de Denis Lévesque a offert une plateforme à trois femmes autistes fonctionnelles pour exprimer leurs défis quotidiens et appeler à une meilleure compréhension de leur condition. Nolia Bélanger, autrice et fondatrice du collectif artistique Réplique Authentique, Patricia DY, artiste visuelle, et Isabelle Paul, sculptrice, toutes deux membres du collectif, ont partagé leurs expériences de vie, jetant une lumière nouvelle sur la réalité des personnes autistes au Québec.
Un manifeste pour une voix autistique
L’émission débute par le point commun qui relie les trois invitées : un manifeste. Élaboré en 2023 par une quinzaine d’artistes de plusieurs disciplines, le Conteste du Trouble Abstrait « … vise à dénoncer les lacunes des programmes gouvernementaux et les stéréotypes présents dans la société », explique Nolia Bélanger. Cette œuvre est née d’une nécessité de se faire entendre, de donner une voix à celles et ceux dont les défis sont souvent invisibles aux yeux du grand public et des médias.
Le trio rappelle que « les personnes autistes sans déficience intellectuelle sont souvent mal comprises ou diagnostiquées tardivement ». Elles se sont confiées sur les obstacles rencontrés avant d’obtenir un diagnostic précis, les errances médicales aboutissant à des diagnostics de trouble de la personnalité limite ou de trouble d’anxiété généralisée. Le manifeste se fait ainsi l’écho de cette quête quasi identitaire.
Les trois artistes évoquent l’effondrement autistique, un phénomène où des facteurs imprévus et stressants peuvent mener à une surcharge sensorielle et à une incapacité temporaire de fonctionner normalement. Sont-elles pour autant dans la doléance ? Non, plutôt dans l’action, en s’inspirant du peintre-sculpteur Paul-Émile Borduas, auteur du manifeste Refus global, paru en 1948, qui insuffla un vent de modernité dans les arts au Québec. Le Conteste du Trouble Abstrait commence par remettre en cause la notion de « trouble », puis avance quelques pistes.
L’art en tant que prélude au changement
Les personnes autistes sont les mieux placées pour faire de la neuro-inclusion une réalité. Plutôt que de relayer les avis d’experts, bien souvent non autistes, le collectif soutient une approche collaborative dans laquelle les programmes et services gouvernementaux sont développés avec la contribution active des personnes autistes, dans le but de travailler avec elles plutôt que pour elles.
Nous connaissons l’expression « Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson », attribuée à Confucius. La formule de la sociologue Kenyane Auma Obama, « Ne nous donnez pas du poisson. Ne nous enseignez pas comment pêcher. Demandez-nous si nous mangeons du poisson! », semble mieux correspondre au message que porte le collectif, et c’est rafraichissant.
Nolia Bélanger, Patricia DY, et Isabelle Paul ont tenu le micro avec un aplomb remarquable. Leur appel met en lumière la nécessité d’un changement de perspective et de pratiques pour une société plus ouverte et compréhensive. Cette initiative nous rappelle que l’art a souvent été à l’avant-garde ou a accompagné de puissants mouvements de société.