Depuis quelques années, les neiges sont moins abondantes et plus tardives; il n’en a pas toujours été ainsi. Comme nous le rappelle Jean Provencher lorsqu’il affirme que l’hiver, qui peut varier entre 120 et 160 jours, est sans doute la saison la plus longue et, quand elle ne l’est pas, elle reste néanmoins la plus marquante1. De tous les éléments qui caractérisent l’hiver québécois, ce sont sans doute les tempêtes mémorables qui ont façonné notre imaginaire collectif. Le siècle de la Révolution industrielle, pour des raisons pratiques et statistiques, va souligner la place centrale de ces événements météorologiques en établissant des comparaisons d’une année sur l’autre. On y affirme alors qu’un hiver dit « normal » apporte rarement moins de deux mètres de neige (environ sept pieds), mais c’est plutôt quatre mètres de neige (environ treize pieds) que l’on compte souvent dans les différentes régions du Québec.
Au 20e siècle, on a tendance à moins accepter les contraintes qu’impose l’hiver. De nouvelles inventions comme les chasse-neige, et bientôt les souffleuses, apparaissent, et on entend bien les utiliser pour libérer le plus rapidement possible les voies de communication. En 1903, en quatre jours au mois de février, la ville de Québec reçoit près de 67 centimètres de neige (plus de deux pieds). Cinq ans plus tard, en 1908, c’est au tour de Montréal de recevoir 47,5 centimètres en deux jours (18,5 pouces), suivi, quatre jours plus tard, d’une autre tempête de 36,8 centimètres (14,5 pouces), soit un total de 84,3 centimètres (33 pouces). En 1939, la ville de Québec reçoit entre le 14 et le 24 février la bagatelle de 131,6 centimètres de neige (4 pieds 4 pouces)2 . En Abitibi, c’est la tempête du 25 au 27 mars 1947 qui va marquer les esprits avec des dizaines et des dizaines de centimètres qui s’abattent sans arrêt sur la région : des villages sont ensevelis, les déplacements cessent, tous les commerces ferment, une atmosphère de siège tombe sur les différentes localités3. Un train du CN qui reliait Barraute et Senneterre reste d’ailleurs pris dans la tempête et ne peut plus avancer.
En 1969, c’est une tempête qui s’abat sur la côte est américaine qui fait craindre le pire pour le Québec. Effectivement, peu après Noël, entre le 26 et 28 décembre, Montréal reçoit quelque 70 centimètres (2 pieds 3 pouces) en une soixantaine d’heures. Du côté de Québec, la ville ne reçoit « que » 51 centimètres (1 pied 8 pouces), mais ce sont les vents qui retiennent surtout l’attention, avec des pointes à 92 kilomètres par heure. À Lévis, la tempête va même emporter le clocher de l’Église Saint-David4; quinze personnes trouveront la mort pendant l’événement.
Le Québec n’était pas près d’avoir un répit. Moins de deux ans plus tard, il allait être frappé par ce qu’on a qualifié de « Tempête du siècle », mais ça, c’est une autre histoire…
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- Jean Provencher, Les Quatre saisons dans la vallée du Saint-Laurent, Montréal, Boréal, 1996, p. 400. Voir aussi Yvon Desloges, Sous les cieux de Québec : météo et climat, 1534-1831, Québec, Septentrion, 2016
- Mathieu-Robert Sauvé, « Les 11 plus mémorables tempêtes depuis 1800 », TVA nouvelles, 12 mars 2022. https://www.tvanouvelles.ca/2022/03/12/les-11-plus-memorables-tempetes-depuis-1800
- Félix B. Desfossés, « Il y a 70 ans, l’Abitibi-Témiscamingue subissait la plus importante tempête de son histoire », Radio-Canada, 24 mars 2017, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1024134/70-ans-abitibi-temiscamingue-tempete
- Jean Cazes, « Météo : huit tempêtes de neige d’exception à Québec », Mon quartier, 22 janvier 2022, https://monquartier.quebec/2022/meteo-huit-tempetes-neige-exception-a-quebec/