Imagination
Cher lecteur, chère lectrice, si vous cherchez comme moi sur Internet, « images d’un futur positif », vous risquez de tomber sur des propos d’Élise Boulding ou bien de Fred Polak, qui, dans la deuxième moitié du vingtième siècle, affirmaient haut et fort l’importance de se faire des images précises d’un beau futur.
Vous tomberez probablement sur le futurologue Robert Jungk qui a créé des ateliers du futur pour démocratiser la prospective, soit l’art de penser au futur. Le journal Le monde lui consacrait cet article : https://www.lemonde.fr/archives/article/1981/01/05/robert-jungk-l-espoir-est-en-marge_2716813_1819218.html
Élise Boulding, sociologue s’est sans doute démarquée par ses ateliers : Un monde sans armes (World without weapons). L’idée de cette invention sociale lui est venue en se faisant cette réflexion : « je vois qu’il y a tant de pacifistes mais je constate qu’aucun n’a une idée très précise de ce à quoi ressemblerait un monde pacifiste, alors je ne peux que me dire qu’une société en paix peut difficilement naître si nous ne la désirons pas vraiment ».
Vous connaissez probablement Buckminster Fuller, ou vous connaissez ses travaux sans le savoir. Il est l’inventeur du dôme géodésique, dont on voit souvent des petits exemples dans les aires de jeux pour enfants. Il a fait le design du Pavillon des États-Unis à l’Expo 67, Terre des hommes, sur l’Île Notre-Dame, devenu le Musée Biosphère entretenu par la Ville de Montréal.
En 1914, à 19 ans, Fuller a travaillé à Sherbrooke pendant un an au Moulin à coton, rue du Pacifique. Il a aimé les co-travailleurs canadiens-français de l’époque et a retenu la leçon de se faire un cahier de notes.
C’est un chantre dans l’art de faire plus avec moins. De nos jours, on entend plus l’expression : faire mieux avec moins. Le dôme géodésique en est un exemple : c’est une structure qui permet d’inclure le plus d’espace avec le moins de matériaux. Bucky, comme le nommaient affectueusement ses proches, a comptabilisé tous les exemples artistiques de ce concept de faire plus avec moins, souvent grâce à la synergie. Ensuite, dans son livre Critical Path publié en 1981, il a lancé le message suivant: « nous avons tout le savoir, maintenant, et toute la technologie, pour créer, si on veut, la « Réussite » de l’Humanité, c’est-à-dire, une belle qualité de vie pour tout le monde, sans violence pour y arriver et sans nuire à l’écologie, en mettant en application mon plan de dix ans. » (mon résumé)
Il aurait pu en outre suggérer aux gens de s’imaginer ce « succès » comme déjà réalisé pour se donner une image de ce à quoi ce monde ressemblerait et la manière de s’y comporter en plus de se donner un nouveau sens de l’identité et de l’estime de soi, différent de notre monde actuel. Ça aurait été moins insécurisant car nous n’avons jamais connu un tel monde abondant, pacifique, joyeux et écolo. Vaut mieux s’y préparer!
Hélas, croyez-moi, – regardez autour, écoutez les nouvelles- le plan n’a pas été réalisé et je crois que la polycrise actuelle en est la conséquence.
Consolation
Quarante ans plus tard, une économiste, Kate Raworth, publie son livre : La théorie du donut qui, de mon point de vue, reprend l’idée du succès de l’Humanité de Fuller, en parlant d’atteindre une zone sûre et juste pour l’Humanité à deux conditions : respecter le plafond écologique et le plancher social.
Puis quelques mois après, un autre économiste, Éloi Laurent, propose une « boucle sociale-écologique » qu’il trouve plus dynamique que ce que le plan du Donut propose. C’est dans son livre Et si la santé guidait le monde? L’espérance de vie vaut mieux que la croissance .
Selon moi, nous aurions avantage, comme le suggérait Élise Boulding, d’imaginer par anticipation à quoi ressembleraient ces mondes, question de nous motiver à nous les donner.
L’Association pour la santé publique du Québec, qui existe depuis 80 ans, vient de publier sur Internet Le livre de la réduction de la maladie au Québec pour démontrer comment sauver notre système de santé. Là aussi, ce serait payant, motivant et enthousiasmant de faire des ateliers d’un futur sans maladie, où prévalent la prévention et la promotion de la santé.
J’ai offert récemment des Ateliers du futur au café Baobab, mais il n’y a pas eu suffisamment de demande, sans doute parce que je ne suis pas le Taylor Swift du futur.
Défi
Bonne nouvelle, la neuroscientifique Élisabeth Grimaud nous explique dans son livre Beau Bien Bon que si l’on imagine quelque chose de Beau, notre cerveau sécrète une hormone de bonheur : la dopamine. Puis, si on s’applique et s’implique pour bien réaliser ce Beau, la sérotonine, une autre hormone de bonheur, est générée. Enfin, si nous partageons et nous nous entraidons, l’ocytocine (hormone de l’attachement) prolifère dans le cerveau. Il manque l’endorphine qui est générée par une activité physique aussi simple que la marche, seul ou en groupe. Donc la DOSE de bonheur est là, disponible, à volonté, pour nous.
Alors, si le « Beau » en question est une société locale et ou mondiale heureuse, en santé, écologique, pacifique c’est le début de sa réalisation, non?
Référence sur la marche : Shane O’Mara, Le super pouvoir de la marche La science et les bienfaits de la marche pour le corps et l’esprit, 2021.