Le dénombrement des personnes itinérantes au Québec qui a été réalisé le 11 octobre 2022 nous apprend finalement cet automne qu’il y avait alors une augmentation d’environ 44 % des personnes en situation d’itinérance visible depuis 2018, soit en 4 ans. En Estrie, cette augmentation est de 51 %. Est-ce que les pouvoirs publics vont finalement réaliser qu’il est temps d’écouter les experts et d’investir des sommes aux bons endroits à la mesure des besoins?
À cause de différentes faiblesses méthodologiques dans l’exercice du dénombrement et de l’impossibilité de rejoindre toute la communauté itinérante, le nombre de personnes recensées, « 10 000 », est beaucoup moins pertinent que le pourcentage lui-même. Et si on avait demandé avant cette enquête à n’importe quel employé d’un organisme communautaire de lutte contre la pauvreté et l’itinérance, le constat aurait été le même – plus de personnes à la rue et des problématiques qui s’intensifient sur tous les horizons : sécurité alimentaire, hébergement, logement, problématiques de santé diverses incluant la dépendance, une assistance financière publique insuffisante, et une cohabitation sociale difficile.
Est-ce que les ministres concernés ont pris le temps de lire les 374 pages du document du dénombrement? Est-ce que suite à cette lecture, le ministre Lionel Carmant pensera encore à répondre qu’on doit « baisser le ton » lorsque l’ensemble des acteurs impliqués expriment leurs préoccupations face à la détérioration de la situation partout au Québec? Ou sera-t-il en mesure de proposer des solutions concrètes? Cette étude de dénombrement vient désormais s’ajouter aux voix des milieux communautaires et municipaux pour mettre en lumière la gravité de la situation. L’heure est venue d’agir de manière décisive.
Si ce n’est pas par la réalité humaine qu’on convaincra les décideurs, peut-être que les signes de dollars y arriveront? Une panoplie d’études l’ont conclu dans les dernières années : chaque investissement dans la lutte contre la pauvreté se traduit par des retours économiques à moyen et long termes, que ce soit au sein du système de santé et des services sociaux ou dans les domaines de la justice et de la sécurité. Ajoutons d’ailleurs à ce constat la valeur contributive potentielle à la société de toute personne parvenant à se sortir de l’itinérance! A contrario, si on continue d’agir avec trop peu de moyens et sans écouter les experts du milieu, l’écart entre les « riches » et les « pauvres » continuera de s’agrandir, accentuant autant les souffrances individuelles que le décousu social. Si nous ne prenons pas de mesures immédiates, la situation pourrait même empirer et devenir hors de contrôle.
Pour conserver un certain optimisme, particulièrement en contexte sherbrookois, notons que la couverture de services aux personnes en situation d’itinérance ou à risque de l’être s’est améliorée au cours des dernières années. La collaboration entre les organismes communautaires et la concertation multisectorielle communautaire-institutionnel-municipal s’est renforcée, jetant des bases solides pour le travail vers l’amélioration de la situation.