J’ai eu la chance cet été de voyager à l’international, j’ai rencontré plusieurs personnes aux nationalités variées et lorsque j’expliquais que je travaillais comme agente de développement en sécurité alimentaire, j’ai entendu plusieurs fois cette réaction : « Quoi, au Canada, un pays riche, des personnes n’arrivent pas à manger!? ». Eh oui!… personne n’est à l’abri de la pauvreté, de l’insécurité alimentaire, même pas un pays du G7 (regroupement des sept pays les plus riches).
On le constate en ce moment, une conjoncture de plusieurs facteurs complexes tels que la crise du logement, la pandémie, les guerres, les changements climatiques, tout cela crée de l’instabilité économique qui a pour résultat une inflation galopante dans tous les secteurs. Selon Statistique Canada, l’indice des prix à la consommation (IPC) dans le secteur alimentaire aurait depuis les 12 derniers mois subi au Québec une augmentation de 11,04 %. En d’autres termes, en tant que consommateurs, nous devons débourser plus d’argent pour remplir notre panier d’épicerie. Toutefois, ce n’est pas tout le monde qui peut se permettre d’augmenter les budgets alloués à l’alimentation. Et malheureusement comme la nourriture est une dépense compressible, contrairement au loyer qui sera toujours le même d’un mois à l’autre, certaines personnes vont adopter des stratégies telles que la dégradation de la qualité des aliments (manger des aliments économes surtransformés, peu variés) et/ou la réduction des quantités (réduire les portions ou sauter des repas). Or, ces stratégies peuvent entraîner des répercussions majeures sur la santé.
À Sherbrooke, 13,5 % de la population vit de l’insécurité alimentaire marginale, modérée ou sévère (Tarasuk, V. and Mitchell, A., 2017-2018). La recension des initiatives effectuée en 2015 par la Concertation sherbrookoise de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CSLPES) a permis d’évaluer l’aide alimentaire à Sherbrooke à plus de 4,8 millions de dollars de nourriture distribuée à plus de 20 000 personnes. Et comme vous pouvez vous en douter, depuis 2015, les organismes en sécurité alimentaire notent une forte augmentation de la demande et doivent faire preuve d’imagination pour composer avec des ressources limitées.
À Sherbrooke, nous avons la chance d’avoir Champs d’action – Collectif en sécurité alimentaire. Ce réseau regroupe les organismes et institutions qui ont pour mission de démocratiser la littératie alimentaire (éducation sur les aspects liés aux compétences pour s’alimenter, tels que : l’agriculture, les connaissances en nutrition, comment cuisiner) ou qui offrent des dépannages de nourriture. Certes, leur travail est remarquable et assure un filet social pour les personnes les plus vulnérables, mais n’est-ce pas un constat d’échec de notre société de réaliser qu’autant de personnes n’ont d’autre recours que l’aide alimentaire? Comment pouvons-nous redonner du pouvoir d’agentivité (soit l’opportunité et la capacité de faire des choix) aux individus?
Le réseau des cuisines collectives du Québec (RCCQ) porte présentement la revendication du Droit à l’alimentation et souhaiterait faire adopter une loi-cadre qui permettrait à l’ensemble de la population québécoise de combler ce besoin essentiel.
N’est-ce pas un beau projet de société, que tout le monde mange à sa faim!